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« Je t’ai mis la paire bleue, celle avec les losanges. »

C’était celle que je préférais. C’est vrai qu’il y a eu un temps où j’avais des préoccupations de chaussettes. J’y portais toujours attention. Je travaillais les nuances. J’ai dû râler quelquefois parce que celles qui étaient le mieux assorties avec le costume du jour n’étaient pas sèches ou trouées. Aujourd’hui aussi, d’ailleurs, elles me posent des problèmes, simplement ce ne sont plus les mêmes : j’ai du mal à les mettre. Mes pieds sont morts, ils ne m’aident donc pas. J’enferme deux petits cadavres dans leurs prisons de coton ou de laine, suivant les saisons.

J’ai tort de dire deux petits cadavres. Je fais un bon 42, voire 43.

Andrée me regarde. Voici bien des mois que nous ne nous voyons plus que dans ce parc. Nous nous mettons toujours au même endroit : elle à son banc et moi en face d’elle. Nous avons nos habitudes, comme les vieux.

« Je t’ai apporté le livret d’Henriette. »

Je ris.

« Tu sais que je m’en fous. »

Elle fouille dans son sac, le sac qu’elle prend quand elle vient me voir, très grand, pratique. Nous l’avions acheté à Venise, dans une des rues qui donnent sur Saint-Marc. Un magasin chic. On claquait beaucoup d’argent à cette époque. Nous en avons bien profité, comme on dit. Nous avons bien fait.

C’est un livret presque comme le mien. Rien ne change vraiment.

Conduite : 10. Leçons : 7. Devoirs : 8. « Élève sérieuse et appliquée. »

Rien à dire. Que pourrais-je dire, d’ailleurs, et que pourrais-je faire ? Même si elle travaillait mal, je ne me vois pas en train de la gronder. Ce doit être terrible, un infirme qui vous gronde. Ça doit prendre encore plus de poids. Papa-sans-jambes sonne les cloches.

« En récitation, c’est un peu faible, dit-elle. Elle apprend pourtant bien, mais elle ne met pas le ton. »

Trop timide, Henriette, trop effacée, trop grise. Cela s’arrangera peut-être, mais ce n’est pas sûr. Enfin, je ne sais pas.

Je rends le livret. Je ne sais plus quoi dire. Je n’ai jamais attendu ses visites. Si je suis honnête, je dois dire que je les redoute.

Elle a été parfaite, Andrée. Parfaite. Elle a été là, toujours, avec son sac plein de linge propre, de fruits, de caramels, de cigarettes quand j’ai pu fumer à nouveau. Impeccable. Elle sait prendre l’attitude exacte, ni trop triste, ni trop gaie : ce qu’il faut, tout juste. Un modèle. On doit dire d’elle partout, au bureau, les voisins : « Elle est parfaite, Mme Formier, cette dame dont le mari a eu un grave accident. Comment, vous ne saviez pas ? Voyons ! Le monsieur du cinquième ! Il est paralysé, à vie dans une chaise. Vous parlez d’une existence qu’elle va avoir, mais pas une plainte, pas une réflexion, jamais… »

« Comment ? »

Elle ne cille même pas. Elle répète avec patience celle qu’il faut avoir avec les grands blessés : « Tu as lu tous les livres que je t’avais apportés ?

— Pas tous. »

Je suis injuste. On ne reproche pas à quelqu’un d’être sans reproche, c’est idiot et méchant. Il faut que je réponde plus longuement, que j’entretienne la flamme.

« J’ai du mal à fixer mon attention, mais ça va revenir. Si tu peux m’apporter des policiers… »

Elle opine, croise les jambes. Elle a toujours le même tailleur, très chic.

« Je croyais que tu aimais Mailer ?

— Pas le dernier. »

Pourquoi est-ce que je réponds de façon aussi brève ? C’est plus fort que moi, et une angoisse me vient pour les prochaines heures. Nous irons chercher la petite à l’école, et puis nous ferons les deux cents kilomètres qui nous séparent de la maison de campagne, et ce sera le week-end dans l’herbe, avec, comme fond sonore, la tondeuse à gazon du voisin. Nous rentrerons demain, vers seize heures, pour éviter les bouchons sur la route…

Elle ramène une mèche dans le chignon. Elle est belle, sévèrement belle. C’est vrai que nous n’avons jamais vraiment ri.

« Il y a un bon film sur le première chaîne, ce soir. Je ferai des brochettes. Ça te plaira. »

C’était mon travail, avant. J’aimais alterner les cubes de viande, les tomates, les poivrons découpés.

« Les Visiteurs du soir. Je ne l’ai jamais vu. Tu crois que la petite pourra le regarder ? »

Elle a cette crainte, toujours, qu’Henriette voie d’horribles choses, comme si des monstres allaient surgir sur l’écran d’une seconde à l’autre.

« Pierre, tu entends ce que je dis ? »

Elle a posé sa main sur la mienne.

« Je préférerais ne pas partir ce week-end. Je me sens un peu fatigué et ce voyage… »

Les cernes de l’inquiétude. Ils ont surgi soudain sous les yeux. Elle fait son regard d’angoisse. Il m’a toujours glacé. Pourquoi ai-je dit cela ? Je n’avais rien prémédité.

« Qu’est-ce qui se passe ? »

Je m’ébroue comme un cocker, je ne veux pas qu’elle ait encore plus de soucis. Elle en a eu sa part, Andrée.

« Mais rien, c’est de la fatigue, c’est tout. Je… Je préfère passer ce week-end tranquille, et… »

Elle a un haut-le-corps.

« Ce n’est pas tranquille à la maison ? »

Je m’enferre, je suis foutu, je cherche, à toute vitesse, les arguments. Comme toujours, dans ce cas, rien ne vient, la panique surgit.

« C’est le basket, je suis sûre que cela te fatigue. »

C’est elle qui a trouvé. Quel salaud je suis ! Je baisse un peu la tête, un enfant coupable.

« C’est le match de l’autre jour. Je n’ai pas encore vraiment l’habitude.

— Tu dois faire attention. Tu en as parlé à Fogerol ? Cela ne t’est pas contre-indiqué ? »

Aussitôt les grandes craintes et les appels à Fogerol.

« Absolument pas, au contraire, il est d’accord. Simplement j’ai un peu forcé, voilà tout. »

Elle s’est reculée en arrière, contre le dossier. Je lis en toi, Andrée, à pleines pages : tu penses qu’Henriette sera déçue, mais tu ne le diras pas pour ne pas exercer de pression sur moi, pour ne pas essayer de chantage. Parfaite, vraiment.

« Si tu préfères rester…

— Je ne préfère pas rester, mais je sens qu’il faut que je me repose, c’est tout. »

J’en ai le droit tout de même. Merde alors, on ne refuse pas ça à un type qui s’est offert trois semaines de coma, une amnésie, sept fractures, et qui n’a plus que le haut du corps vivant.

« Je comprends très bien. »

Elle sourit, attentive. Ses dents ne jaunissent pas. On dit qu’avec le temps l’émail se ternit. Pas chez elle.

« Et puis j’ai besoin d’être un peu seul. »

J’en rajoute, cela ne sert à rien, mais j’ai toujours été ainsi, il faut que j’en rajoute. Comme si j’avais besoin d’accumuler les prétextes pour qu’à la fin ils suffisent à faire une bonne raison.

« Je peux comprendre cela aussi. »

Elle comprend tout, Andrée, sauf peut-être la vérité : cette envie subite de retrouver, ce soir, sur une scène, une demi-femme que je ne connaissais pas avant-hier.

Elle me tend les magazines, je les feuillette pendant qu’elle parle. Des riens… L’aménagement de l’appartement est totalement terminé : les deux plans inclinés, entre le salon et le living, viennent d’être recouverts de moquette.

« William me conseillait de ne pas le faire, de garder la couleur naturelle du bois, mais cela faisait tout de même contraste, et… »

C’est pour moi qu’elle parle. Pourquoi, alors, ne me parle-t-elle que de choses qui m’indiffèrent ? Pourquoi ses mots ne sont-ils plus, bientôt, que des sons, une musique un peu sérieuse et trop connue, vaguement modulée, sans couleurs véritables ? Seigneur, et si tout cela n’était plus ma vie, si ce camion m’avait non seulement brisé, mais fait devenir autre…

Nous nous sommes tus très longtemps. J’ai fait un peu semblant de dormir. C’était difficile avec le soleil dans les paupières. À un moment, j’ai entendu la petite explosion chuintante de l’allumette contre le frottoir, et l’odeur du tabac m’est parvenue. J’ai ouvert les yeux. Il était près de cinq heures, et j’ai pensé que, sans doute, j’avais sommeillé vraiment.

Elle est repartie, seule, par la grande allée. J’ai remarqué qu’elle avait toujours une allure très fière. Rien de trop, pourtant. Elle tenait son sac vide, et elle serait là samedi prochain, ponctuelle. À quinze heures, j’entendrai les pneus de la Volvo crisser sur le gravier. Bonne voiture, la Volvo. J’ai aimé cela aussi, les grosses bagnoles. Les chaussettes assorties, les grands hôtels, les cravates fines… Je crois que, tout compte fait, j’ai dû être un assez sale con.

Il n’est pas sûr que ce soit terminé.

 

 

 

« Et jamais on n’a vu la timide innocence Passer subitement à… »

Grimace.

Elle a le plus étonnant répertoire de grimaces que je connaisse.

« Etjamaisonn’avulatimideinnocencepassersubitement à… Et merde ! »

Sa main claque sur l’accoudoir.

« Toujours au même endroit ! Je ne peux pas me l’entrer dans la tête. Ne me le dites pas, je vais trouver. »

Je regarde ma montre.

« Le rideau dans un quart d’heure. La suite est : à l’extrême licence. »

Elle ferme les yeux.

« Bon Dieu, je le savais ! Après, c’est comment ? »

Je lis fiévreusement :

« Un jour seul ne fait point un… »

Elle me coupe.

« Un jour seul ne fait point un mortel vertueux.

— Non, Ne fait point d’un mortel vertueux… »

Elle gémit.

« Ça va être épouvantable, avec le trac en plus… J’aurais dû jouer un des gardes. »

Je tends le Petit Classique Larousse tout écorné.

« Mettez-le sous la couverture, ça ne se verra pas.

— Ce n’est pas une couverture, c’est un péplum.

— Excusez-moi. »

Elle me regarde sérieusement.

« Vous, vous deviez tricher en classe.

— Sans arrêt. »

Ce n’est pas vrai, évidemment. J’ai toujours eu bien trop peur de me faire prendre, mais j’ai bien le droit, moi aussi, de jouer un rôle.

« Et puis ce n’est pas une lecture de Phèdre que l’on fait, on joue la pièce, je ne vais pas avoir… »

Théramène déboule sur nous. Théramène, c’est Mme Ancelin. Quatre-vingt-trois kilos, siège renforcé, pneus Dunlop, une polio.

« Tu es prête, Hippolyte ? »

Claude se racle la gorge.

« Couci-couça. »

Mme Ancelin repart en marche arrière et laisse échapper un rugissement. Ses yeux sont cernés d’un demi-centimètre de mascara goudronneux. Elle a la plus forte poitrine du département. Même Verloutier en est resté pantois.

« C’est dans dix minutes. Je vais aider Thésée à mettre sa cuirasse.

— J’espère que le carton va tenir, murmure Claude. Passez-moi une cigarette.

— Vous ne fumez pas.

— Sauf quand je joue Hippolyte. »

La fumée monte, ondule entre ses lèvres. Elle aspire une bouffée géante, la moitié de la cigarette d’un seul coup, à se faire exploser les poumons.

« Tout va bien se passer, dis-je, ça va être splendide, un triomphe assuré. Relaxez-vous. »

Elle passe ses doigts entre ses cheveux de garçon, bouclés et drus. Le fond de teint lui donne un air de star du technicolor, dans les années 50.

« Une nouvelle vie commence, dis-je. S’il y a des producteurs dans la salle, l’avenir est assuré. »

Les lumières s’éteignent, se rallument, virent au jaune. Les deux infirmiers-électriciens font les derniers réglages.

« Je vais dans la salle, dis-je. Je ne voudrais pas, encore une fois, faire du mauvais esprit, mais on va y arriver comme dans un fauteuil.

— Très drôle. Faites-moi la bise. »

Plus facile à dire qu’à faire lorsqu’on est assis face à face et qu’on a, comme moi, les reins bloqués. Je manœuvre, me place à côté d’elle, me penche. Je loupe un peu la joue et attrape la tempe.

Les yeux gris sont là, soudain. Dans les romans, on dit « immenses ». Des yeux gris immenses.

« Merci, dit-elle. C’était un grand moment d’érotisme pur.

— Je n’ai pas voulu forcer. J’ai eu peur que, devant la violence de mon baiser, vous oubliiez tout le reste.

— Filez, Pierre, et je veux vous entendre m’applaudir à tout rompre. »

Je quitte les coulisses. Je croise Phèdre et Œnone qui font leur dernier raccord, et m’installe dans la salle, devant le rideau tiré.

Elle a dit « Pierre ».

Si on étudie la question, c’est moins étonnant que si elle m’avait appelé Arthur. Je n’ai jamais fait autant de tachycardie. Il faut quand même que je me mette dans la tête que ce n’est pas moi qui joue.

Je n’ai plus aimé personne depuis le camion. Avant non plus, d’ailleurs, mais cela faisait toujours partie, alors, des choses possibles. Ça pouvait arriver. Après, non.

Un sacré camion. En plein travers de l’autoroute. J’ai tellement freiné que je suis rentré dedans à reculons. À cent dix à l’heure, tout de même. Dix mille litres de pinard sur la chaussée. J’ai tout pris sur la gueule. Une chance que je n’aie pas eu la bouche ouverte. J’ai encore l’impression, parfois, de sentir le gros rouge. J’aurais pu mourir noyé. Noyé sur une autoroute. Une mort saugrenue.

« Ça te fait marrer, toi, les classiques ? »

Andriot a, ce soir, le regard lourd. Il est plus à l’aise à bramer sur un terrain de basket que devant Racine. Il n’attend pas plus les réponses que le ballon. Le roi de l’attaque « parapluie ».

« À l’école, ça me faisait déjà chier, alors, tu parles, aujourd’hui… »

Il ricane tandis que Craparet se penche et souffle :

« Moi, je viens pour les gonzesses. C’est toutes des gonzesses au théâtre. T’es pas là pour les gonzesses, toi ? »

Je reçois son coude dans l’estomac. Claude. Claude Zarka.

« Bien sûr, dis-je, uniquement pour les gonzesses. »

Obscurité. Projecteurs. Silence.

Ça se fige. Pas un rayon de roue qui bouge. C’est parti. Je croise les doigts.

La scène. Face à la colonne de carton, sous le ciel bleu de la Grèce éternelle, Hippolyte est là, comme il ne le fut jamais. Les palais de marbre, les rochers chauffés au soleil blanc, les vagues des grandes mers violettes, la paix égéenne, les dieux, les héros et les hommes du temps des certitudes.

« Depuis plus de six mois, éloigné de mon père… »

Elle joue, la voix claire, petite forme cassée dans son fauteuil mouvant, nette, précise, dans la lumière de ce jour implacable qui verra basculer les mortels de ce lieu dans l’opulence sanglante des tragédies.

Ils écoutent tous, les demi-hommes. La magie a fondu sur eux. Un rideau de toile, et, dans l’éclairage maladroit dévoilant les fausses ruines d’un temple imaginaire, il a suffi de deux femmes infirmes lançant les mots d’autrefois.

« Et dans un fol amour ma jeunesse embarquée… »

Elle joue sans un regard vers le livre, sans une hésitation, et je n’ai jamais eu les mains si moites, les épaules si crispées. Qu’est-ce qui te prend, crétin ? Quel cirque est-ce que tu commences ? Tu ne vas pas faire une romance de cœur avec cette femme qui ne partage, avec toi, que la partie morte de toi-même. Il ne faut pas que…

Les applaudissements me propulsent dans la réalité. Je bats des mains à tout rompre.

Entracte.

Je n’irai pas dans les coulisses. Je la verrai tout à l’heure.

« Alors, tu vois que c’est moins con que tu croyais. »

Andriot hausse les épaules à la remarque de Craparet.

« J’ai jamais dit que c’était con. »

Derrière, ils discutent des filles, ils tirent leur chapeau. Tous sont d’accord qu’elles s’en tirent bien, qu’elles mettent le ton… Parfait.

Andrée et Henriette, devant la télé, avec les brochettes qui refroidissent. Une soirée un peu morne. La dalle de ciment qui a remplacé les marches de l’entrée doit toujours sentir cette odeur trop fraîche des choses neuves. Alors, elles ne seraient pas plus joyeuses si j’étais là. Non, pas plus.

Rideau.

Je me souviens qu’autrefois je m’ennuyais souvent pendant la deuxième partie : la surprise n’y est plus, et puis la fatigue joue. On a déjà une bonne heure d’attention dans les jambes, alors, on est moins fringant. Mais, cette fois, ça ne fait pas le même effet. Pourtant, les histoires de gens normaux me paraissent bien futiles depuis quelque temps. Leurs petits problèmes me semblent bien légers et secondaires : l’argent, le cœur, l’honneur, le pouvoir, le devoir, tout cela ne pèse pas lourd devant une paire de guibolles en bon état de marche. Là, je me suis intéressé. Ces femmes assises, avec leur fard, leurs cuirasses recouvertes de papier doré… Il fallait peut-être cela pour que Racine me parle à nouveau, si tant est qu’il m’ait jamais parlé. Peut-être étaient-ils cela, ces rois, ces reines, à demi dieux, à demi déesses : des infirmes cloués au sol par leurs passions.

Elles ont fait un triomphe. Côte à côte, dans leur chaise, elles ont roulé vers nous dans un dernier salut. Alors, les fauteuils de malade ont disparu, et il n’y a plus eu que des femmes sur des chars de guerre et des trônes d’or. Au milieu d’elles, il y avait une fille aux cheveux courts et aux yeux de mer froide qui souriait. Il m’est venu à l’idée, alors, que jamais un sourire n’avait peut-être exprimé un tel bonheur. Il m’est même venu à l’idée qu’il m’était destiné, qu’il me cherchait au milieu de tous les autres. Un sourire pour moi.

 

 

 

Un rêve de château dans la neige. Qu’est-ce que cela signifie, docteur ? Il était planté dans un grand parc. On voyait un lac au fond, des eaux vertes et profondes, avec deux cygnes immobiles sur le bord. J’y vivais seule, dans des enfilades de chambres. Tu n’étais pas là. Il faut que tu me pardonnes de te raconter un rêve où tu ne te trouves pas, du moins en apparence.

Peut-être était-ce toi le château ? Il était chaud, tandis que dehors il faisait froid et blanc, avec des bouquets d’arbres noirs, comme dans les livres d’enfants lorsqu’on représente l’hiver. Par les hautes fenêtres, je regardais le ciel de coton, immobile, je me disais que jamais le soleil ne reviendrait, qu’il était impossible qu’un jour tout devienne bleu et vivant. L’été viendra-t-il pour moi, Pierre ? Je n’aime pas te dire que j’ai peur parfois, mais, tant pis : j’ai peur parfois.

Non.

J’ai peur souvent.